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De Monrovia à Oslo : mon itinéraire

Samson Tokpah est Directeur régional au Secrétariat de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) à Oslo. Il est chargé de la mise en œuvre de l'initiative au Liberia, en Sierra Leone, au Ghana, au Nigeria, en Zambie, en Éthiopie ainsi qu'en Tanzanie. Il a rejoint l'ITIE en juin 2014, après avoir été Coordinateur national au Liberia.

Une décision difficile

Le Président avait accueilli favorablement ma demande de réunir mon équipe pour faire une annonce importante. À l'exception des membres de la Direction, aucun participant à la réunion du 26 mars 2014 du Groupe multipartite (MSG) de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Liberia (ITIEL) ne savait alors ce que j'allais annoncer.

Arrivé à la moitié de mon annonce de démission, longue de 362 mots, j'ai relevé la tête pour établir un contact visuel avec l'assistance – la salle était muette et tous les yeux étaient rivés sur moi. Ma voix se mit à trembler et des larmes coulèrent sur mes joues. Et lorsqu'un membre du Groupe multipartite me tendit une serviette en papier pour essuyer mes larmes, je m'interrompis, car je n'avais plus de voix. Jusqu'à présent, à l'exception de la disparition d'un être cher, seuls l'amour et l'attention que je porte à mes enfants m'avaient fait ressentir autant d'émotions.

Au cours des 29 derniers mois, j'ai travaillé tous les jours à faciliter la mise en œuvre des Principes de l'ITIE, ainsi qu'à la réalisation des objectifs propres au Liberia en matière de transparence et de responsabilité pour les secteurs du pétrole, de l'exploitation minière, des produits de la sylviculture et de l'agriculture. Nous avons connu des succès comme des échecs. Mon équipe et le Groupe multipartite étaient devenus pour moi comme une nouvelle famille. Il m'était très difficile de faire mes adieux.

Trente-quatre jours plus tard, le 30 avril, je quittais le Secrétariat de l'ITIEL. Une page de ma vie était tournée. Ce fut une aventure difficile, mais également très enrichissante.

Trouver mon rôle

La décision de travailler au Secrétariat de l'ITIE à Oslo ne fut pas facile à prendre. Après avoir été scolarisé, avoir vécu et travaillé à l'étranger pendant presque 18 années, je ressentais alors un fort désir de rentrer chez moi et d'apporter mon aide à la reconstruction du Liberia – et j'avais ainsi l'impression de délaisser mon pays. J'abandonnais également l'importance et la visibilité qu'offre la direction d'une agence gouvernementale pour plonger dans l'inconnu : comment serais-je accueilli par les norvégiens, comment m'adapterais-je à mes futurs collègues, à leur culture et aussi au climat ?

Cependant, j'étais aussi animé d'une joie profonde de me rapprocher matériellement de mes enfants. Je me demandais alors ce que pourrait être ma contribution au Secrétariat de l'ITIE.

J'avais participé à la session d'échange de connaissances des Coordinateurs nationaux qui s'était déroulée le mois dernier en Éthiopie et cette réunion s'était avérée être bien plus qu'une simple réunion portant sur l'application des objectifs – ce fut également une occasion de contribuer directement à une réflexion sur l'avenir de nos moyens d'aider les pays à mettre en œuvre l'ITIE.

En ce sens, cette réunion en Éthiopie fut pour moi l'occasion d'une véritable prise de conscience. Les Coordinateurs nationaux de neuf pays (Sierra Leone, Éthiopie, Nigeria, Ghana, Tanzanie, Zambie, Mozambique, les Seychelles; Madagascar et Sao Tomé) jouèrent un rôle de premier plan au cours de la réunion. Ils échangèrent des idées sur les difficultés pratiques ainsi que sur les stratégies et les opportunités propres à la mise en œuvre de l'ITIE dans leurs pays respectifs. Le personnel du Secrétariat international de l'ITIE, dont je faisais désormais partie, se trouva relégué à l'arrière-plan, se limitant à apporter des précisions sur la Norme et à faciliter le débat.

Les pays sont riches en connaissances 

Ces échanges m'ont convaincu que les pays mettant en œuvre l'ITIE ont beaucoup plus à apprendre les uns des autres que des instructions émanant du Secrétariat international à Oslo. Le Ghana a acquis une expérience considérable en matière d'établissement de rapports infranationaux et est disposé à apporter son soutien aux autres pays.

Pour en savoir davantage : Accroître l'impact des redevances minières au niveau local au Ghana

Le Nigeria œuvre à réduire la complexité des rapports établis par la Nigeria National Petroleum Company (NNPC) et la Sierra Leone a saisi l'occasion de rendre de grandes quantités d'information accessibles au public, de manière simple et efficace, par la mise en place de son cadastre en ligne.

Il m'est alors apparu que chaque pays disposait d'un créneau spécifique en matière de mise en œuvre de l'ITIE. Certains pays sont devenus de véritables experts des questions législatives propres à l'ITIE, d'autres se sont familiarisés avec les problématiques liées à la qualité des données. D'autres encore connaissent bien les défis à relever en ce qui concerne la participation des organisations locales de la société civile au processus et leur collaboration avec le Groupe multipartite. Un groupe de pays a acquis de l'expérience en matière d'élaboration de stratégies visant à l'application des mesures correctives préconisées par les rapports de l'ITIE. Cette réunion offrit aux coordinateurs l'occasion de comparer différentes pratiques optimales et de les adapter aux problématiques de leurs propres pays.

Nos connaissances communes des meilleures pratiques vont s'accroître à mesure qu'augmente le nombre de pays mettant en œuvre l'ITIE. L'échange d'idées entre les pays mettant en œuvre l'ITIE nous offre les meilleures chances de comprendre la question des redevances, de la fiscalité, de l'allocation des licences, de la déclaration de propriété réelle, de la transparence des contrats, de la participation des organisations de la société civile et bien plus encore. Cette réunion d'Addis-Abeba montra en quoi les pays eux-mêmes détiennent la clé d'une mise en œuvre efficace et renforça ma détermination à faciliter la mise en place de la Norme dans chaque pays. Cela m'a également motivé pour soutenir de futures initiatives d'apprentissage entre pairs et de partage des connaissances.

Ma contribution : faciliter l'apprentissage collégial entre les pays

Fixant l'écran de mon ordinateur pendant de longues heures ici, à Oslo, profitant occasionnellement de la beauté architecturale du bâtiment du Ministère des Affaires étrangères norvégien que j'apercevais par ma fenêtre, mais également fort préoccupé par les inquiétantes nouvelles des ravages du virus Ebola dans mon pays d'origine, il m'apparut alors que ma contribution personnelle à l'amélioration des choses au Liberia pouvait aussi prendre forme à distance. 

Pays
Liberia