Helen Clark, la présidente de l’ITIE, à Davos : la transition énergétique nécessite une gouvernance inclusive
Helen Clark réfléchit au changement climatique, à l’évolution de la demande de ressources et au rôle de la transparence et de la gouvernance.
Cet article est adapté des propos tenus par Mme Helen Clark lors de la session du Forum économique mondial 2024 « Parlons honnêtement de la gouvernance ».
La perspective d’une hausse de la demande en minéraux a propulsé la gouvernance des ressources à l’ordre du jour politique des pays qui comptent faire des métaux tels que le cobalt, le lithium et le cuivre une future source de revenus. Dans le cadre d’un dialogue avec des dirigeants, lors du récent Forum économique mondial, il m’a été demandé de parler des risques les plus pressants auxquels le monde est actuellement confronté et d’expliquer pourquoi une mauvaise gouvernance pourrait faire avorter nos efforts pour relever ce défi.
Les risques associés au changement climatique toucheront l’ensemble de la population actuelle et les générations futures, car ils influenceront notre environnement physique, nos moyens de subsistance, notre santé et notre bien-être. Les minerais constituent un élément crucial de la transition énergétique, et les risques liés à la gouvernance dans les chaînes de valeur minérales des technologies à faible émission de carbone sont un sujet de préoccupation important. Selon l’Agence internationale de l’énergie, une voiture électrique typique nécessite six fois plus de minéraux qu’une voiture conventionnelle, et un parc éolien offshore nécessite treize fois plus de minéraux qu’une centrale au gaz de taille similaire.
De ce fait, la demande de minéraux devrait exploser au cours des prochaines décennies. Des recherches menées par l’ITIE et le Sustainable Minerals Institute en Australie corroborent ces prévisions : elles ont montré que la demande du secteur de l’énergie pour des minéraux tels que le lithium pourrait augmenter de 900 % d’ici à 2040.
Les prix de nombreux minéraux connaissent déjà une certaine volatilité en raison de ces tendances. De fortes hausses de prix se sont produites en 2021 et au premier semestre 2022. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie et de la Bourse des métaux de Londres, le prix du cuivre a été multiplié par deux et demi au cours des deux années précédant mai 2022. Bien que les prix se soient modérés depuis lors, cette dynamique de marché stimule indubitablement la recherche de nouveaux gisements de minéraux.
Les risques liés à la gouvernance dans les chaînes de valeur minérales des technologies à faible émission de carbone sont un sujet de préoccupation important.
Risques liés à la gouvernance dans le secteur des minéraux
Le boom minier présente une multitude de risques, des atteintes à l’environnement aux conflits sociaux en passant par les affaires de corruption et la mauvaise gestion des finances publiques. Et une mauvaise gouvernance exacerbe ces risques. Elle sape la confiance de la population, augmente le coût des affaires et peut perturber l’approvisionnement en minéraux nécessaires à la transition énergétique.
Le secteur des énergies renouvelables connaît une dynamique similaire. L’Agence internationale de l’énergie estime qu’à l’échelle mondiale, nous aurons besoin de 5000 milliards de dollars US d’investissements annuels dans les énergies renouvelables d’ici à 2030 pour atteindre l’objectif « zéro émission nette ». Lors de la COP28, plus de 120 pays se sont engagés à tripler leurs capacités de production d’énergies renouvelables d’ici à 2030.
La rapidité et l’ampleur de ce changement rendent le secteur des énergies renouvelables vulnérable aux risques de gouvernance, comme l’a montré l’ITIE par de récentes études. Comme dans le secteur minier, cette situation érode la confiance, perturbe les projets et constitue un obstacle à la croissance du secteur.
Une norme mondiale pour la gouvernance inclusive
L’ITIE évolue pour s’adapter à ces changements. La transparence est essentielle pour faire en sorte que les erreurs du passé ne se répètent pas et que la corruption et la mauvaise gouvernance n’érodent pas les bénéfices des ressources naturelles qui appartiennent aux citoyens. La transition énergétique doit permettre d’apporter la paix et la prospérité, et non des conflits et des divisions.
Les solutions résident dans le renforcement de la transparence et dans l’établissement et le respect de normes internationales promouvant une plus grande responsabilité. Dans le secteur minier comme dans celui des énergies renouvelables, la bonne gouvernance peut se traduire par de meilleures normes environnementales, sociales et en matière de droits humains. Elle peut faire reculer la corruption et instaurer la confiance dans la transition énergétique.
Les solutions résident dans le renforcement de la transparence et dans l’établissement et le respect de normes internationales promouvant une plus grande responsabilité.
Les données ITIE et le dialogue de l’ITIE s’avèrent de plus en plus pertinents pour les décideurs politiques à l’ère de la transition énergétique. Le secteur extractif connaît des changements fondamentaux auxquels les pays producteurs et consommateurs doivent s’adapter.
Le rôle du dialogue multipartite
Au niveau mondial, l’ITIE compte parmi ses partisans un grand nombre des plus grandes entreprises minières et énergétiques du monde, dont six des dix premières entreprises minières en termes de capitalisation boursière et quatre des dix premières entreprises pétrolières et gazières. Les partisans mondiaux de l’ITIE comprennent également un grand nombre d’organisations de la société civile actives dans le secteur, parmi les plus influentes. Ils sont saisis à la fois par les possibilités offertes par la transition énergétique et par les défis qu’elle nécessite de relever pour en assurer la durabilité à long terme.
Au niveau national, l’ITIE s’efforce de renforcer les institutions de gouvernance afin d’éliminer les possibilités de corruption dans le secteur extractif. Par exemple, en Tanzanie, pays producteur de minéraux de transition tels que le graphite, le nickel et les terres rares, l’ITIE a contribué à l’élaboration de réglementations prévoyant la divulgation des contrats et des données relatives à la propriété réelle.
Au niveau local, l’ITIE a étudié l’impact de la transition énergétique sur les communautés. Dans diverses communautés de Colombie, du Ghana et d’Indonésie, l’ITIE a constaté qu’il ne suffisait pas que les gouvernements et les entreprises s’engagent à faire preuve de transparence. Les communautés ont besoin d’informations faciles à consulter, à comprendre et à utiliser. Elles doivent également participer de manière significative aux décisions qui ont un impact sur leur vie.
La collaboration entre les différentes parties prenantes est capitale si nous voulons relever les défis les plus urgents de notre époque.
La collaboration entre les différentes parties prenantes est capitale si nous voulons relever les défis les plus urgents de notre époque. C’est pourquoi l’ITIE collabore avec des partenaires internationaux pour s’attaquer à une série de risques de gouvernance dans le cadre de la transition énergétique, notamment en convoquant un réseau de pays producteurs et en ralliant les principaux acteurs du secteur des énergies renouvelables autour d’un appel à l’action en faveur de la transparence et de la responsabilité. En l’absence de front commun et d’engagement résolu en faveur d’une transition inclusive, nous risquons de mettre en péril les fondements mêmes de notre cheminement vers un avenir durable.