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Soutenir la transparence dans les industries extractives afin de minimiser les risques pour les investisseurs

Alors que les prix des ressources naturelles comme le pétrole, le gaz et les métaux précieux, restent volatils, l'intérêt pour les industries extractives (pétrole, gaz et activités minières) devrait se poursuivre à long terme. La demande mondiale pour ces ressources non-renouvelables sera probablement soutenue par une augmentation prévue de 36% dans l'utilisation mondiale d'énergie d'ici 2035, d'après l'Agence internationale de l'énergie.

Néanmoins, les industries extractives présentent de nombreux défis environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui intéressent les investisseurs. Après la marée noire liée à BP dans le Golfe du Mexique, les compagnies pétrolières qui gèrent des plateformes offshore ont un problème de coûts plus élevés liés au contrôle de la pollution. La santé et la sécurité des salariés est une préoccupation permanente pour les entreprises minières qui cherchent à réduire les accidents sur le lieu de travail, comme ArcelorMittal.

Un des défis particulièrement difficiles concerne celui de la sécurisation de l'approvisionnement à long terme des ressources situées dans des régions où l'instabilité politique, économique et sociale est souvent la norme. Les troubles sociaux menacent régulièrement l'activité de Royal Dutch Shell au Nigeria, ce qui a aussi été le cas pour ENI durant le « Printemps arabe » en Lybie. À la source de ces problèmes, on trouve souvent une mauvaise gouvernance et un manque de transparence, dans la mesure où les populations locales ne voient pas les avantages socio-économiques provenant de la richesse financière générée par les exportations de ressources. D'après The Economist, le nationalisme en matière de ressources est récemment passé en tête de la liste des préoccupations des entreprises minières mondiales, notamment en Afrique, à mesure que les pays cherchent à augmenter leur part dans les recettes des ressources.

Ressources naturelles : le paradoxe de l'abondance

Les États riches en ressources sont tentés de favoriser l'exportation de ressources naturelles afin de profiter de la manne financière que celles-ci représentent : il est simplement plus facile de générer des revenus à partir des industries extractives que de construire une économie robuste et diversifiée. À première vue, cette activité est très rentable (au moins à moyen terme) pour les États eux-mêmes, les entreprises pétrolières, gazières et minières concernées, et leurs actionnaires.

Cependant cela ne se traduit pas nécessairement dans une approche de long terme durable. La plupart des pays riches en ressources naturelles ont tendance à enregistrer de piètres performances économiques. Dans les régimes où règne la corruption, les recettes provenant de l'extraction de ressources sont plus couramment distribuées aux élites politiques, militaires, et commerciales, plutôt que d'être investies dans des projets de développement économique et social. Lorsque la gouvernance est faible, il en résulte souvent la corruption, la pauvreté et, de plus en plus, les conflits.

Ces effets ne sont cependant pas inévitables, et en encourageant une plus grande transparence dans les pays richement pourvus de ces ressources, l'on pourrait atténuer certains des effets négatifs.

Les avantages pour les entreprises et les investisseurs se concentrent sur la limitation des risques politiques et de réputation. L'instabilité politique engendrée par une gouvernance opaque est une menace ouverte pour les investissements. Dans le secteur des industries extractives, où les investissements en capital sont intenses et dépendent de la stabilité à long terme afin de pouvoir générer des rendements, la réduction de cette instabilité est bénéfique à l'activité. La transparence des paiements effectués à un État peut aussi contribuer à démontrer la contribution de l'investissement de l'entreprise au pays.

Pourrait-on atteindre la transparence et une meilleure gouvernance par des initiatives dans les pays ou par une réglementation plus stricte des entreprises là où elles sont implantées ?

Les investisseurs croient de plus en plus que les deux pourraient être nécessaires.

Aujourd'hui, 37 pays, représentant une population de plus de 900 millions de personnes, mettent en œuvre l'ITIE, et celle-ci est de plus en plus reconnue comme la norme mondiale de la transparence, celle-ci étant par ailleurs soutenue par le G8, le G20 et des institutions comme la Banque mondiale. Parmi les décideurs essentiels soutenant l'initiative, on trouve 70 des plus grandes entreprises pétrolières, gazières et minières, 80 investisseurs institutionnels, et des dizaines d'organisations de la société civile. De plus, après la Norvège, les États-Unis et l'Australie montrent le chemin en étant les premiers pays de l'OCDE à mettre en œuvre et à piloter l'ITIE.

Aujourd'hui, les marchés financiers commencent tout juste à reconnaître la valeur du label ITIE

Sur les 37 pays qui implémentent désormais l'ITIE, l'Azerbaïdjan a été le premier à être déclaré Conforme à l'ITIE, en 2009, par le Conseil d'administration de l'ITIE. En mai de l'année suivante, Fitch Ratings a annoncé qu'elle relevait les notes de défaut émetteur à long terme en devises et en monnaie locale (IDR) attribuées à l'Azerbaïdjan à « BBB- » contre « BB+ » auparavant. Dans le communiqué de presse, Fitch indiquait qu'elle « [était] rassurée par la transparence de la SOFAZ [le fonds pétrolier public qui mène l'ITIE], ce qui [était souligné] par le fait que l'Azerbaïdjan [était] le premier pays à être entièrement cConforme à l'Initiative internationale pour la Transparence dans les Industries Extractives ».

Même si d'autres agences de notation comme S&P ne l'ont pas encore suivie aussi explicitement, la méthodologie et les hypothèses pour la notation des dettes souveraines de S&P comprend un « score politique », dans lequel la « transparence et la responsabilité des institutions, des données et des processus, y compris le niveau perçu de corruption [d'un pays] » sont pris en compte. Ainsi, un engagement à l'ITIE peut contribuer à l'amélioration par un pays de la notation de sa dette souveraine sur le long terme.

Cependant, la réglementation va probablement jouer un rôle de plus en plus important pour assurer la transparence pour les entreprises extractives. Aux États-Unis, la législation Dodd Frank, telle que prévue par l'autorité américaine des marchés financiers (la Security and Exchange Commission, SEC), exige désormais que toutes les entreprises des secteurs extractifs inscrites à la SEC publient les paiements aux États, non seulement par pays, mais aussi par projet. L'Union Européenne a signalé qu'elle avait l'intention de l'imiter. 

Par conséquent, en octobre 2011, plus de 20 investisseurs institutionnels, représentant des actifs de plus de 2 500 milliards d'euros, dont Allianz Global Investors, ont écrit à Michel Barnier, le Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services, pour apporter un soutien qualifié à un projet de législation sur la transparence. Celui-ci exigerait que les multinationales indiquent dans leurs comptes annuels des informations financières comme les parts de production avec les États, les bonus, les redevances, et les taxes pour chaque pays dans lequel elles sont implantées.

Ces investisseurs ont indiqué qu'ils soutenaient l'initiative de l'UE pour une plus grande transparence, aussi bien dans une approche menée par les pays (ITIE) que par la régulation. Ils ont souligné que les deux étaient complémentaires et améliorent les perspectives de retour sur investissements corrigés du risque, en améliorant l'information, ce qui contribue à des offres plus stables et transparentes pour les contrats, les licences et les permis, et fait baisser le risque que des gouvernements cherchent à renégocier ou résilier des contrats, ou à nationaliser des projets. 

Cependant, les investisseurs ont aussi mis en garde le Commissaire contre l'exposition d'entreprises extractives à des exigences juridiques contradictoires. À cette fin, les investisseurs proposent que les régulateurs travaillent à seul régime mondial de publicité, avec un processus d'information mutuellement reconnu dans toutes les juridictions, afin de développer des normes d'information cohérentes sur tous les marchés mondiaux.

L'argument de l'investissement pour la transparence est clair. C'est la première étape qui mène à une meilleure gouvernance dans les pays riches en ressources. À cette fin, cela devrait produire un climat plus stable pour l'investissement, qui bénéficierait aux entreprises extractives, à leurs actionnaires et aux populations locales.

David Diamond représente les investisseurs institutionnels au Conseil d'administration international de l'ITIEIl est le co-Responsable mondial ISR chez Allianz Global Investors.