Comment la pandémie a redonné vie au nationalisme des ressources
Adapté d’un discours prononcé par M. Mark Robinson, Directeur exécutif de l’ITIE, lors de la rencontre Investing in African Mining Indaba 2022.
Adapté d’un discours prononcé par M. Mark Robinson, Directeur exécutif de l’ITIE, lors de la rencontre Investing in African Mining Indaba 2022.
Le nationalisme en matière de ressources est un problème mondial. Justifié par des motifs politiques visant à maximiser la valeur des ressources naturelles d’un pays, il peut prendre plusieurs formes : augmentation des parts de l’État, taxation des revenus exceptionnels, modification unilatérale des clauses contractuelles pour augmenter la participation de l’État dans le secteur des ressources naturelles, ou nationalisation pure et simple.
Le protectionnisme en matière de ressources est souvent la réponse à une série de préoccupations légitimes, dont certaines ont conduit, au moins en partie, à la création de l’ITIE en 2003 : attentes non satisfaites, manque de transparence, volatilité des prix des matières premières et mégacycles – renfermant la promesse d’une prospérité. Ces préoccupations demeurent d’actualité aujourd’hui, alors que nous sortons à peine de la pandémie de COVID-19. Pâtissant de la pression fiscale et du fort endettement public, les citoyens veulent savoir quelles ressources reviennent à leur pays et à leurs communautés grâce aux investissements dans le secteur extractif.
Depuis les années 1960 jusque dans les années 1980, de nombreux États se sont mis en tête de nationaliser leurs industries extractives afin d’asseoir leur contrôle sur le secteur. Mais le panorama se présente différemment aujourd’hui, et un certain nombre de gouvernements renégocient les termes des contrats ou impulsent des réformes législatives et fiscales, voire des modifications constitutionnelles pour consacrer le droit de l’État et des collectivités sur les ressources naturelles. Même si le nationalisme des ressources ne peut pas encore être considéré comme un phénomène généralisé à l’échelle mondiale ou d’une région, il est probable qu’il gagnera du terrain avec le boom des matières premières.
Les tendances observables aujourd’hui en matière de nationalisme des ressources soulignent la nécessité d’une coopération et d’une collaboration régionales solides entre les États et les initiatives comme l’ITIE.
L’environnement géopolitique actuel a fait émerger deux dimensions propres à ce phénomène, que l’on pourrait appeler « l’infranationalisme » et le « supranationalisme » des ressources.
L’infranationalisme en matière de ressources se produit lorsque des autorités régionales et locales dans les régions riches en minéraux exigent une plus grande part des montants générés par les opérations extractives, via le reversement d’une portion des revenus qui en sont tirés. Dans des cas extrêmes, cela peut entraîner des conflits.
Le supranationalisme lié aux ressources apparaît lorsqu’un pays cherche à obtenir un meilleur accès aux ressources dont l’offre mondiale est limitée, par exemple les minéraux critiques. Cela peut créer une concurrence entre les États-nations puissants, qui peut être aggravée par des interruptions de la chaîne d’approvisionnement comme ce que nous observons des suites de l’agression russe en Ukraine.
Les tendances observables aujourd’hui en matière de nationalisme des ressources soulignent la nécessité d’une coopération et d’une collaboration régionales solides entre les États et les initiatives comme l’ITIE.
Implications en vue de possibles solutions
Si les préoccupations qui motivent de telles tendances sont légitimes, le nationalisme des ressources est rarement la bonne solution pour y répondre. Il ne permet pas non plus d’atteindre l’objectif qui est de servir les intérêts des citoyens, sauf peut-être à très court terme par le biais de dépenses permises par des ressources exceptionnelles. Au contraire, le nationalisme des ressources exacerbe le risque de malversation des fonds publics à des fins privées plutôt que leur utilisation pour le bien des citoyens.
La transparence peut offrir un antidote plus puissant en établissant des attentes claires et réalistes et en évitant les réponses du type « expansion et récession » face aux cycles successifs des prix des matières premières. Faire la lumière sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur extractif – depuis le permis d’exploration jusqu’au suivi des revenus et de la façon dont ils sont dépensés – est le labeur quotidien de l’ITIE. En rendant publiques les informations sur les revenus, les gouvernements et les entreprises sont mieux à même de démontrer de quelle façon ces revenus se transforment en dépenses de développement au profit des citoyens. Au niveau infranational également, la transparence favorise une meilleure compréhension de la façon dont les revenus circulent et sont canalisés vers les instances situées aux niveaux régional et communautaire.
La publication des contrats et des conditions fiscales qui les accompagnent, conformément aux exigences de l’ITIE, permet de lutter contre le nationalisme des ressources en contrant l’interprétation populiste des stipulations contractuelles ou fiscales injustes. Au Guyana par exemple – où des contrats conclus pour les projets pétroliers lucratifs ont prêté à controverse – la divulgation des contrats par le nouveau gouvernement a permis de dissiper les doutes et en même temps la défiance.
Instaurer une culture de confiance
Ce n’est qu’en prenant délibérément des mesures pour générer des données factuelles et les partager, et en créant un espace sûr de dialogue qu’il sera possible d’instaurer une culture de confiance. Même en Afrique du Sud – où il existe une industrie minière solide, des institutions efficaces et un processus budgétaire transparent – l’impression existe que l’industrie et le gouvernement pourraient faire plus pour répondre aux attentes des communautés et mieux faire connaître les investissements sociaux. Dans un tel contexte, l’ITIE est un instrument qui peut aider à une évaluation réaliste de la manière dont les recettes tirées des ressources naturelles bénéficient aussi aux communautés, que ce soit par le biais de transferts de ressources du gouvernement central ou des dépenses sociales des entreprises.
La collecte, la vérification et la publication des données et des informations doivent faire partie d’un effort collectif visant à l’instauration d’un climat de confiance.
Or, les attentes non satisfaites engendrent de la méfiance, ce qui réduit d’autant les possibilités de dialogue. La collecte, la vérification et la publication des données et des informations doivent faire partie d’un effort collectif visant à l’instauration d’un climat de confiance. En mettant en œuvre l’ITIE, les pays peuvent institutionnaliser une approche collaborative et multipartite. Dans certains, les groupes multipartites ITIE sont les seules plates-formes où les autorités gouvernementales, les entreprises et la société civile peuvent se rencontrer sur un pied d’égalité pour discuter et influencer les réformes concernant la gouvernance du secteur extractif.