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Vers un secteur extractif plus participatif pour les femmes

Les dispositions liées à l’égalité des sexes dans la Norme ITIE 2019 commencent à faciliter une prise de décision plus inclusive, mais il reste encore un long chemin à parcourir.

Si les ressources extractives doivent profiter à l’ensemble des citoyens, tant les femmes que les hommes doivent être inclus dans la gouvernance du secteur extractif et bénéficier d’un accès égal aux emplois offerts. Pourtant, les industries extractives sont gouvernées et exploitées par les hommes de façon disproportionnée, et les politiques sectorielles tenant compte du genre sont relativement rares.

En outre, les femmes et les filles sont nettement plus touchées que les hommes par les retombées négatives des projets extractifs sur le plan social, économique et environnemental. D’après une récente analyse de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI), les femmes vivant dans les pays tributaires des ressources minérales connaissent souvent une plus grande inégalité de la richesse et des droits que les femmes vivant dans les pays non tributaires des ressources naturelles. La pandémie de Covid-19 risque d’aggraver l’inégalité entre les sexes dans le secteur extractif, car les restrictions de déplacement et les suppressions d’emplois touchent les femmes qui occupent la majorité des emplois informels et mal rémunérés.

Soucieux d’appuyer un processus de prise de décision plus inclusif dans le secteur extractif, le Conseil d’administration de l’ITIE a introduit de nouvelles Exigences de déclaration relatives au genre dans la nouvelle Norme ITIE 2019, concernant la composition du Groupe multipartite, les données relatives à l’emploi, l’accès aux informations et la participation à la mise en œuvre de l’ITIE. Un an plus tard, ces dispositions fournissent une base de référence pour la déclaration relative au genre et pour la participation des femmes dans les pays mettant en œuvre l’ITIE, base de référence qui pourra faciliter une prise de décision plus inclusive.

Un siège à la table

La Norme ITIE exige des Groupes multipartites qu’ils tiennent compte de l’équilibre hommes-femmes dans leur composition, de façon à promouvoir une participation plus inclusive au processus ITIE et à la gouvernance des industries extractives.

Aujourd’hui, les femmes ne représentent qu’un cinquième des membres des Groupes multipartites de tous les pays mettant en œuvre l’ITIE, ce qui indique que les femmes ne sont toujours pas bien représentées lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre de l’ITIE. À l’intérieur de ce tableau général, certains pays se distinguent par leur bonne performance. Au Mexique, aux Seychelles, au Tadjikistan et à Trinité-et-Tobago, par exemple, les femmes représentent plus de la moitié des membres du Groupe multipartite. Au niveau régional, l’Amérique latine vient en tête pour la parité homme-femme dans les Groupes multipartites.

Les rôles de leadership dans les Groupes multipartites sont moins également partagés : seuls 12 % des Groupes multipartites sont présidés par des femmes. Les présidents des Groupes multipartites ont tendance à occuper des postes de haut niveau au sein du gouvernement, alors que dans de nombreux pays ce sont des rôles où les femmes ont moins de chances d’être représentées. Néanmoins, des femmes dirigent les Groupes multipartites de pays tels que l’Argentine, la Colombie, la République démocratique du Congo, le Sénégal, la Sierra Leone et le Tadjikistan. En outre, 38 % des Coordonnateurs Nationaux sont des femmes, notamment au Cameroun, en Allemagne, au Honduras, au Mozambique et aux Philippines.

Depuis la base

La Norme ITIE exige des pays ITIE qu’ils divulguent les informations relatives à l’emploi désagrégées par sexe et, si possible, par entreprise et par niveau professionnel.

Un tiers des pays mettant en œuvre l’ITIE fournissent des données relatives à l’emploi ventilées par sexe, soit en pourcentage par rapport à la totalité des salariés, soit en chiffres absolus, selon la façon dont elles sont divulguées par les entreprises déclarantes. Pour de nombreux pays, c’est dans leur dernier Rapport ITIE que de telles divulgations ont été incluses pour la première fois dans la déclaration. Au Burkina Faso, la déclaration ITIE inclut une recommandation visant à améliorer les divulgations concernant le secteur minier artisanal et à petite échelle, l’accent étant mis sur les moyens d’existence offerts aux femmes.

Les pays de l’ITIE déclarant des données ventilées par sexe comprennent l’Afghanistan, l’Arménie, le Burkina Faso, la Colombie, le Ghana, la Guinée, le Honduras, Madagascar, le Mexique, la Mongolie, le Mozambique, le Myanmar, le Nigéria, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, le Sénégal et la Sierra Leone.

Outre la déclaration des données relatives à l’emploi, plusieurs pays dont l’Éthiopie et la Zambie divulguent des données sexospécifiques sur les dépenses sociales des entreprises extractives. Ces données permettent de déterminer si les dépenses sociales correspondent aux priorités définies par les femmes, ou bénéficient à des groupes de femmes, dans les zones où sont menées des activités extractives.

Par ailleurs, certains pays donnent des exemples de bonnes pratiques en mettant en lumière, dans leur déclaration, la législation et les politiques gouvernementales relatives à l’égalité des sexes dans les industries extractives. Aux Philippines, parmi les conditions fixées dans les permis de traitement des minéraux figure le respect du droit des travailleuses à participer à l’élaboration des politiques et à la prise de décision. Au Sénégal, la déclaration a éclairé des réformes visant à promouvoir une plus grande inclusion : l’article 115 du Code minier de 2016 stipule que le « plan de développement local doit intégrer les projets favorisant l’autonomisation de la Femme ».

À suivre

La Norme ITIE demande aux pays ITIE de se préoccuper des défis qui existent en matière de besoins et d’accès à l’information de certains groupes de citoyens, notamment selon des critères de genre et les encourage à expliquer quelles mesures ont été prises pour assurer l’égalité entre les sexes et l’inclusivité en renforçant l’impact de l’ITIE.

Au moins un quart des pays mettant en œuvre l’ITIE déclarent tenir compte de l’égalité des sexes lorsqu’ils mènent des activités de diffusion et au moment de l’évaluation de l’impact de l’ITIE, en incluant des femmes dans les consultations.

Aux Philippines, les activités de sensibilisation de l’ITIE ciblent les femmes à la tête des communautés minières. Une étude en cours permettra de mieux comprendre le rôle et les expériences des femmes dans le secteur minier du pays et sera accompagnée de recommandations de politiques pour résoudre les défis rencontrés par les femmes. Au Mali, les avis des femmes sont pris en compte lors de l’évaluation annuelle de l’impact, puis les résultats de l’enquête sont présentés ventilés par sexe. Au Burkina Faso, au Libéria et à Madagascar, les activités favorisant la participation des femmes et dirigées par des groupes et des entreprises de femmes figurent dans les évaluations annuelles de l’impact.

Vers une meilleure inclusion des femmes

Selon les plans de travail 2020, de nombreux pays de l’ITIE prévoient d’entreprendre des activités pour résoudre la question de l’équilibre hommes-femmes dans les Groupes multipartites, d’améliorer les données relatives à l’emploi et de renforcer la sensibilisation et la participation des femmes aux activités de diffusion. Le Secrétariat international de l’ITIE étudie également les possibilités de mettre en relation les Groupes multipartites avec des partenaires experts dans le domaine de l’égalité des sexes dans les industries extractives, afin d’appuyer la mise en œuvre des Exigences relatives au genre.

Ce bilan montre certaines avancées prometteuses vers un secteur extractif plus inclusif grâce à la mise en œuvre de l’ITIE. Cependant, même si les nouvelles Exigences ont mené à des actions concrètes et à des engagements, il reste encore un long chemin à parcourir pour garantir que les avantages des ressources extractives profitent à l’ensemble des citoyens. Une déclaration plus inclusive peut révéler des lacunes et éclairer le débat sur les possibilités offertes aux femmes et les défis qu’elles rencontrent dans le secteur extractif. Mais, pour combler ces lacunes, il faudra des actes et des politiques audacieuses.

Ressources

 

 

Photo: Trafigura